NOUVELLE CRITIQUE DU LIVRE "PETITS ARRANGEMENTS"
De Fattorius
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Mercredi 11 avril 2012
Entre êtres vivants, on s'arrange... avec Didier Leuenberger
C'est aux éditions La Plume Noire (que je remercie pour l'envoi!) que vient de paraître le dernier opus de l'écrivain suisse Didier Leuenberger, "Petits arrangements". Après plusieurs romans, publiés à Lausanne et à Paris, c'est un recueil de dix-huit nouvelles qu'il offre à son lectorat. Une constante les réunit: c'est le jeu des relations entre les personnages les plus divers. C'est qu'en la matière, l'auteur se montre très original et inventif.
Ainsi le lecteur se trouvera-t-il, pêle-mêle, mêlé à un règlement de comptes familial né du décès pas vraiment accidentel du lapin nain Rebel. Il sera sans doute touché par la relation quasi filiale qui s'installe entre l'enfant malade et le vieil apiculteur de la nouvelle "L'homme qui parlait aux abeilles", lauréate du prix Lycéens de la ville de Castres et de l'Encrier renversé en 2009. Cela, sans oublier, avec "Histoire de Mantes", la peinture du monde des insectes, avec une explication inédite des moeurs cannibales de la mante religieuse femelle. Celle-ci suggère avec Henry de Montherlant: "Le sens du baiser est: vous êtes pour moi une nourriture"...
A la diversité des personnages placés en relations les uns avec les autres (hommes, femmes, enfants, animaux, objets), répond la diversité des manières de dire. L'auteur sait se glisser dans la peau de ses personnages, parler d'eux ou les faire parler à sa place. Ainsi, l'usage de la deuxième personne est habile dans la première nouvelle, "La Vieille et le Roi": ce n'est qu'en fin de nouvelle que le lecteur va comprendre à qui l'on parle. Le ton se fait nerveux dans "Les Monstres sortent toujours des placards!", ce qu'annonce le point d'exclamation du titre; la suite file rapidement au fil de dialogues acérés signalant une situation tendue entre un père et une fratrie.
Cela implique aussi une diversité des situations - mais l'auteur donne à l'amour, dans ses déclinaisons les plus pures ou les plus étranges, une place d'honneur dans son recueil. Si par exemple le message du Christ invite à "changer vos coeurs", que peut-il advenir à une personne qui a reçu, par transplantation, celui d'un autre? Tel est le sujet de "Coeur volé, Corps loué". Prostitution avec des personnes à mobilité réduite, amour unissant un père fruste et son fils surdoué (non sans ambivalence, le début de la nouvelle suggérant une distance, démentie par la suite), surprise de la possibilité d'enfanter alors qu'un personnage féminin n'y croyait plus: c'est à un abécédaire du lien que l'auteur invite.
Pour servir son art de rapprocher les êtres de toutes les manières possibles, l'auteur fait usage d'un style poétique, au vocabulaire riche. Le ton sait se faire lyrique voire précieux, quitte à paraître parfois un peu artificiel ou, au contraire, brut de décoffrage. Mais qu'ils soient simples ou travaillés en profondeur, les textes sauront séduire ou émouvoir, en fonction des goûts de chaque lecteur - quitte à faire naître parfois quelques sourires.
Didier Leuenberger, Petits arrangements, Broc, La Plume Noire, 2012.
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Le blog de Didier Leuenberger (avec une vidéo promotionnelle).
Lu dans le cadre du défi Littérature suisse.
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