L’auto interview « janvier 2015 »
L’auto interview « janvier 2015 »
- Alors Didier, ces non résolutions, on s’y est tenu ou c’était juste un pet dans l’eau ?
- On dit bonjour avant tout ! Après on pose des questions stupides…
- Bien sûr ! C’est vrai que tu es très protocolaire et tout et tout…
- Si tu veux commencer comme ça, on risque d’avoir un problème à nous tout seul !
- J’aurais peut-être dû prendre des gants, c’est vrai que t’es un peu à cran ces derniers temps pas vrai ?
- Pour ta gouverne mon cher « moi », sache que je ne suis pas vraiment à cran. Et pour te rafraichir la mémoire, oui, j’admets l’avoir été même si la situation professionnelle ne reste pas facile ?
- Toujours autant d’incohérence et de décisions surprises ?
- Plus que jamais ! Je dirais même plus, plus que jamais mon cher Dupond. Le monde est à ce point dingue, que la rentrée se fit en fanfare, un virage à plus de 180° et je pèse mes mots. Une tuile de plus. A tel point et tellement grave, que personne n’a pu dire quoi que ce soit… c’est fou comme il y en a qui ont le sens de la mise en scène… A croire aussi qu’ils prennent des cours d’incompétence.
- C’est donc plus grave que l’année passée ?
- Un peu mon neveu ! C’est carrément la merde, mais…
- Mais… ?
- Mais plus pour longtemps, heureusement pour moi.
- Aurais-tu eu le courage de tout larguer ?
- Je l’ai eu, oui. Et pour autant qu’on puisse appeler ça du courage ! Pour moi, c’est avant tout du bon sens. Un moyen de se protéger et de démontrer les incompétences de certains. Même s’ils ne se sentent absolument pas concernés. Alors oui, je l’ai fait comme je l’explique ici. J’ai donné mon congé en novembre, ce qui veut dire que pour moi, c’est bientôt la quille !
- Ouah ! Je reste tout de même admiratif !
- De quoi ?
- De ta prise de position !
- Rien de bien extraordinaire.
- Non, peut-être, mais pendant que tu amenais ta lettre de main à main au directeur, d’autres parlaient beaucoup, sans ne jamais agir ou bouger le plus petit doigt.
- Il faut les laisser. Je pense que chacun a sa conscience et avance à son rythme. Ce qui compte pour moi et ce qui a toujours compté, c’est le bien-être des jeunes dont je suis garant. Quoi de plus important ?
- Tu m’as l’air consciencieux et plutôt sincère !
- Écoute du con, j’ai sans doute beaucoup de défauts mais pas celui d’être un faux cul ! Mon franc parler en dérange plus d’un je le sais, mais qu’ils aillent se faire voir ! Je m’en tape royalement. Privilège de l’âge sans doute… Et je trouve bien dommage de devoir constater à quel point les gens ont de la peine à se dire les choses. Je veux bien admettre qu’on a tous des sensibilités différentes, mais de là à brader ses convictions, il y a un monde. Comme je l’avais expliqué dans l’interview 2014, travailler avec des humains est de loin autre chose que de travailler avec des dossiers. On a pas droit à l’erreur car les dommage collatéraux peuvent être irréversibles. Je suis garant de la sécurité des jeunes avec qui je travaille et lorsqu’on a l’impression de ne plus pouvoir faire son job au plus près de nos valeurs, alors c’est peut-être qu’il est temps d’aller voir ailleurs. De redonner leur responsabilité à qui de droit. Palier au manque de responsabilisation et remédier aux incohérences peut user, à la longue. Le tout est de savoir se préserver.
- Te connaissant très bien, cela doit te fendre le cœur de quitter ces jeunes avec qui tu as sans doute créé des liens.
- Bien sûr que des liens se créés, c’est normal, c’est humain, et il est vrai que la chose la plus pénible lorsqu’on prend une telle décision, c’est de dire adieu à ces jeunes pour qui j’ai tant essayé d’entreprendre des actions leur permettant d’entrer dans la vie active le mieux possible. Mais c’est la vie, une réalité qui les attend au tournant et dont il faudra bien s’accommoder.
- Je vois qu’on reste positif !
- A qui le dis-tu ! Mais tout n’était pas si rose tout le temps… ce n’est pas mon genre de pleurnicher sur mon sort. Je préfère aller de l’avant. Le monde est vaste, il est faux de penser qu’il nous limite aux quelques murs d’une entreprise ou d’une institution. Ne pas s’annihiler dans un marasme sans avenir… dehors, il y a l’océan et des courants chauds qui nous attendent. Bien sûr il y a le salaire, les responsabilités familiales et tout et tout mais est-ce vraiment une raison pour se laisser écraser ou continuer de nager à contrecourant. A force, on ne peut que se noyer. Quel dommage que les gens ne soient pas plus conscients de ce fait.
- Grands changements, grande année à n’en pas douter.
- Pour les changements, aucun doute là-dessus, puisque j’ai trouvé un nouveau job, ce qui me ravi. C’est passionnant de rencontrer de nouvelles gens, et pour revenir au courage que tu soulignais avant, ne pas changer lorsqu’on n’est pas bien dans un job, c’est souvent par confort qu’on le fait. Car même si c’est la merde, même si c’est contraire à nos valeurs, même si on est mal, c’est toujours mieux que l’inconnu et le changement pour beaucoup. A nouveau les valeurs de chacun se voient différentes, et ce n’est pas ici une question de finance ou autres… la plupart des gens invoquent comme excuse, la famille, le fric et le marché de l’emploi… mais toi comme moi savons que dans la plupart des situations, cela les arrangent bien avant tout parce qu’il est bien plus confortable de rester à un travail, même si c’est la cata, plutôt que de se confronter à de nouvelles règles, d’autres opinions et manières de voir les choses. A nouveau cet esprit d’ouverture et cette remise en question qui malheureusement pour le plus grand nombre de gens, semblent faire défaut.
- Bien, tu positives donc !
- Je positive, en espérant que je trouverai ce que je cherche…
- Pour changer de sujet, et sans vouloir plomber l’ambiance, que penses-tu de cette journée noire à Paris ?
- Je trouve ça bien triste, tout en comprenant la sensibilité de chacun. Mais si l’on prend du recul, qu’on se déleste de toute influence religieuse, voir ce qu’un tout petit dessin que la plupart des gens n’ont compris que comme ils voulaient bien le comprendre, on ne peut s’empêcher d’être interloqué par un pareil acte. Là à nouveau les sensibilités de chacun, qui semblent s’affronter et se heurter, et des cinglés qui en profitent pour appeler à la haine et à une guerre sainte dont ils ne savent plus même les vrais aboutissants.
- Plutôt une bonne analyse…
- Juste un peu de bon sens et de distance, face à ce qui ne devrait en 2014, plus être un problème. Le tout est de savoir si dans une société laïque il faut jouer le tout pour le tout et défendre une liberté d’expression qui, si elle est teintée d’humour noir et caustique, pour ne nommer que Charlie, peut il est vrai heurter les âmes sensibles… Je trouve important qu’un petit journal tel que Charlie Hebdo existe. Et tant qu’il existera nous seront en démocratie. Le jour ou il disparaitra, mieux vaudra-t-il s’inquiéter.
- Te permets-tu de tout dire et te censures-tu sur certains sujets ?
- Premièrement : je n’ai pas la notoriété de personnages comme Cabu ou Wolinski, ce qui veut dire que tout ce que je peux écrire ici ou publier, n’est pas trop important. Cela n’a pas de conséquences pouvant découler sur des incidences et des dérapages comme on le voit encore ces derniers jours.
Deuxièmement : je ne me censure en rien sauf en une chose : ma vie privée. Je garde jalousement et égoïstement ma petite vie car c’est ce que j’ai de plus précieux au monde. Mon jardin ou aller me ressourcer. Et puisqu’on parlait d’ambiance de travail qui dégringole et se gangrène, pouvoir se ressourcer est primordial. J’ai vu des personnes tomber bien bas uniquement parce qu’elles ne pouvaient pas se ressourcer ailleurs. Ni à la maison, ni en une passion, ni envers les amis…
Troisièmement : je ne me dis jamais « ça tu dois faire attention ». C’est selon mes sentiments et ce que je ressens. Ce que j’ai envie de faire passer comme message et ce n’est qu’en ces états de transe ou de grâce, c’est selon, que l’on crie de la vérité.
- Quelles sont tes valeurs les plus importantes, Didier ?
- La justice, bien sûr, l’honnêteté et la sincérité, la loyauté. Il y en a bien d’autre mais je m’arrêterai là. Il y a déjà de quoi faire.
- Tu es parti à Vienne puis à Essaouira au Maroc pendant les fêtes. Curieux itinéraire ?
- J’aime les contrastes, le choc des cultures et la différence. J’avais envie d’un grand choc durant les quelques jours de congé, et ce fut réussit.
- Tout de même, entre le wienerschnitzel et le couscous il y a un monde ?
- Mais c’est bien ça qui rend si délicieux et intéressant ce genre de voyage. Même si ce ne fut pas simple de l’organiser.
- Tout de même, la mentalité est totalement à l’opposé de l’une et l’autre population de ces deux pays.
- Mais c’est ça qui en fait un moment si passionnant. Le contraste est certes violent, entre la froideur des viennois et la « chaleur » des marocains, mais l’équilibre était au rendez-vous je puis te l’assurer. Si des gens comme des extrémistes ou d’autres factions d’ailleurs, pouvaient en mesurer la richesse, le monde tournerait autrement, j’en suis sûr.
- Qu’as-tu le plus aimé à Vienne et Essaouira ?
- De Vienne, je retiendrais surtout le côté baroque et les monuments incroyablement beaux dont la ville regorge. La musique semble faire partie du décor, c’est un peu comme si l’on pouvait voir ce monument à chaque coin de rue. C’est très beau. Tandis que pour Essaouira, le délabrement de certains bâtiments mais qui restent beaux, se veut plus qu’inquiétant et enchanteur. C’est un endroit qui me fascine. C’est la deuxième fois que j’y vais. C’est une ville envoûtante ou il fait bon se laisser aller à flâner dans les ruelles. Ce n’est pas aussi excité que Marrakech. Et de plus le bord de mer est très agréable, sans parler des goélands qui viennent quémander la pitance lorsque les pêcheurs reviennent au port. Un incroyable spectacle. Un charme fou.
- Les cultures t’ont toujours fascinées semble-t-il ? Déjà gamin, tu adorais l’exotisme et rêvait de voyage.
- Le monde est vaste, même s’il s’est un peu rétrécit avec les transports actuels. Je suis très heureux d’avoir pu, et je l’ai sans doute déjà mentionné quelque part, découvrir la planète à une époque ou il était encore agréable de pouvoir être perdu et loin de tout. Inatteignable, injoignable par un quelconque appareil technologique. Aujourd’hui ce n’est plus la même chose. Les gens ont changé pour se transformer en clone. C’est bien dommage. Ce n’est pas si vieux, mais je me suis tout de même fait encerclé par une équipe de jeunes qui m’ont demandé de montrer les poils de mes jambes parce qu’ils n’avaient jamais vu çà nulle part. Ils se sont bien poilés, et moi aussi, lorsqu’ils ont tous levé leur sarong pour me montrer leurs cuisses de grenouille imberbes et lisses comme une piste de ski. Un moment inoubliable ou comme ce jour de marche dans les Andes, ou je rencontrai un enfant et lui fit prendre une photo. Il était épaté par cet étrange appareil même s’il ne comprenait pas bien à quoi ça pouvait servir.
- Tu sembles nostalgique.
- C’est rare que ça m’arrive, mais pour ce genre de chose je le suis. J’ai l’impression que tout fout le camp, que même si des traditions peuvent nous paraître choquantes, elles restent le garant d’une transmission que la technologie et le modernisme veulent prendre en otage, pour ne pas dire faire disparaître.
- Certaines traditions sont tout de même discutables !
- Je ne parle pas de celles-là ! On les connaît. Je parle de ces magnifiques passassions de savoir et de transmission des valeurs. A commencer par la plus belle, celle de respecter la terre.
- Toujours aussi amoureux des arbres ! N’es-tu pas un peu à la masse avec ces troncs biscornus ?
- Tu veux que je t’enfile un cure-dent dans le…?
- Moi, je disais ça sans…
- Et bien réfléchit avant de dire n’importe quoi… Je n’ai pas honte de les avoir enlacé dès mon plus jeune âge et de continuer à le faire. Et tu as raison, je suis de plus en plus accro à ces branchus. Ils me fascinent, je les trouve incroyablement beaux. Je peux programmer nos vacances en fonction d’un arbre ou d’une forêt à aller visiter. J’ai même téléphoné à Nendaz pour demander à l’office du tourisme s’ils étaient encore beaux en octobre, parce que je voulais aller leur rendre visite…
- Leur rendre visite ! Tu leur apportes l’apéro peut-être ?
- Tu ne devrais pas te moquer des arbres. Je pense qu’ils sont bien plus importants qu’il n’y paraît. Je pense même, que nos vies, notre avenir dépend d’eux, quoi qu’on fasse… du reste, je suis en train d’écrire un recueil sur le sujet, ou j’approfondis un peu plus la question.
- T’es sérieux, tu fais tes itinéraires en fonction des arbres à aller saluer ?
- Mais oui, du con ! Et avec toute l’humilité que cela requiert ! Tu aurais du mal…
- Bon ça va ! Si on peut plus plaisanter… Et la planète écriture alors ? Après tout, ne sommes-nous pas sur ton blog littéraire ?
- Ah ! Quand-même, je me demandais quand est-ce que tu allais me le demander. Et bien, mon très cher « moi », je compte bien sévir et me laisser titiller par l’imaginaire pour pondre quelques broutilles.
- Tu veux parler d’un livre ?
- De plusieurs livres… J’ai plusieurs projets sur le feu, mais c’est difficile de rester concentré sur un sujet, sans compter qu’à tout moment, un autre sujet peut m’inspirer et me faire commencer un nouvel ouvrage. Après, l’édition…
- Toujours cette méfiance ?
- Pas infondée tu me l’accorderas !
- Je te l’accorde. Mais n’y aurait-il pas la peur du refus et un peu de flemme là dessous ?
- Ma fois… sans doute as-tu raison, mais comme je l’ai expliqué maintes fois, la recherche d’éditeurs est vraiment chiante et très franchement, aucunement palpitante comme fonction. Quel dommage qu’on ne soit pas en Amérique, j’aurais peut-être un agent, un professionnel, un chasseur, un requin, un je vais vous en foutre plein la vue !
- Intérêt à assurer derrière…
- On s’en fout du moment que ça se vend ! C’est pas ça que veulent la plupart des éditeurs. Quand tu vois les navets qui se publient, uniquement parce que certains sont les époux ou épouses de grands chefs, c’est à pleurer de honte. Hugo doit se retourner dans sa tombe.
- Tu n’en diras pas plus ?
- Non ! Pas plus… mais ce que je peux dire sur le sujet, c’est de garder confiance et surtout, l’envie d’écrire avec plaisir et que pour çà. Pas pour la notoriété ou la gloriole. Ni pour la gloire. Juste pour le plaisir…
- Belle philosophie, mais on verra ce que tu fais de toutes ces belles paroles si on t’agites un chèque devant les moustaches !
- Y a qu’à !
- Bon, il est déjà tant de se quitter je crois !
- Déjà ? C’est bien dommage, on se refait signe dans quelques mois et en attendant, le meilleur pour l’avenir à tous.
- Le meilleur pour tous en effet, et que vos rêves les plus dingues puissent se réaliser.
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