Goutte de sueur
Goutte de sueur
Nouvelle
Didier Leuenberger
Goutte de sueur
Essence même du fruit de toutes les attentes, je m’immisce dans les moindres interstices, scrute les plus infimes crevasses, viole les plus intimes fentes et lustre ces monts veinés et ces lèvres endiablées en m’associant à mes collègues. Élixir d’une moelle émotive et d’un désir débordant, ma naissance n’arrive jamais que dans la douleur ou l’euphorie. Que dans un bouquet de sens en émoi ou une regrettable entaille.
Mais je ne parlerai ici que de ces bonheurs sporadiques ou réguliers dont je me dépêtre plutôt bien et desquels je laisse tout mon être, glisser vers d’autres horizons.
Une goutte. Une simple goutte de sueur, longeant l’échine de celle ou celui, me recevant avec délice.
Tombant du front d’un chanceux sentant ses joues rosir et son pouls galoper dans ses veines, je deviens avec mes consœurs, le filtre le plus incorrigible d’amour, plongeant entre les seins de celle, me recueillant avec délicatesse. Mon effet loupe, s’il pouvait être perçu, montrerait une peau martelée par l’émotion de ce moment faisant trembler tous les membres. La chair de poule enfantée n’est de loin, pas engendrée par un courant frais, mais le plus mystérieux des mystères que cette bonne vieille terre et surtout cette humanité démunie, ne comprendra jamais.
Doucement, je longerai ce buste, me lancerai à l’assaut de ces tétons dressés tels des étendards et attendant qu’on les mordille ou qu’on les suçote. Puis, je descendrai entre ces deux monts érogènes quémandant toujours plus de baisers et de touchers pour glisser sur un ventre voluptueux et accueillant. Chaud. Un ventre invitant à le caresser. Se contractant, se relâchant sous des effleurements plus que souhaités.
Tantôt écrasée, tantôt regorgée d’eau, je continue mon chemin sur ce corps de femme en émoi. M’invite, en son nombril en la chatouillant, pour être déplacée de son index plus loin, plus bas. Là où le visage d’un homme fougueux et heureux semble conquis par ce qu’il vient de festoyer. Sa barbe mal rasée en est le témoin, il fut bon de se blottir tout contre ce sexe, ou je suis délicatement posée dessus. Bien sûr, je glisse moins bien dans ce pubis en bataille, mais quelle n’est pas ma surprise, lorsqu’ivre de senteurs, je suis happée dans cet antre. Aspirée en ce temple chaud et humide. Je n’ai pas le temps de me rendre compte de ce qui m’arrive, que je me vois poussée plus en amont par une verge toute en expression.
Dure, elle est tantôt décidée à me faire disparaître ou au contraire, à me capturer de son gland vermeil, comme s’il n’y avait que ce sexe, de légitime en cet endroit et en cet instant.
Il fait chaud. Humide. Et j’ai bien peur que tous ces liquides ne m’absorbent à jamais. Je le vois. Ce dard se gonfle, se tend de toute sa candeur et ne désire plus qu’une chose…
J’ai juste le temps de m’accrocher à cette chair rosée qui me dépose sans attendre, aux abords de cet abricot attendant une averse. La plus intense, la plus généreuse, la plus mystérieuse, la plus heureuse, la plus vivante.
J’en profite pour me laisser glisser le long de cette jambe repliée, sursautant aux soubresauts de cet intrépide butor n’oubliant toutefois pas la douceur. Longe délicatement les quelques poils blonds qu’une cire ne put dévorer. Je continue ma course le long d’un mollet souple, anéantie, vaincu par le plaisir que ces deux corps sont en train de communier, je m’accroche à la rudesse d’un talon, évite la chute de justesse, avant de glisser vers les orteils pour me retrouver suspendue au plus petit d’entre eux pour retomber sur les fesses d’un mâle ébaudit et réjoui. Celui-là même dont je naquis. Celui écrasant de son poids décuplé sous cet étrange relâchement que tout d’homme, peut ressentir après cette décontraction bienfaitrice. Ce petit malaise faisant rendre les armes aux muscles les plus intrépides et les plus fermes…
Je me fraie un passage entre les poils de ce fessier musclé, longe cette raie sans la moindre pudeur, aborde les pourtours de cet orifice insoupçonné, et tourne autour de cette savane chaude et dense comme la bille d’une mise flamboyante au jeu de la roulette, ivre et prête à se laisser glisser dans ce petit trou de vertu ; mais ce n’est pas mon destin, pas cette fois, je me vois déviée vers ces bourses retombant comme deux cailloux entre ses cuisses. Il y fait une chaleur pouvant prétendre me consumer. Je ne suis plus seule. Des dizaines de gouttes de sueur y sont déjà et d’autres nous rejoignent.
Notre créateur se dérobe pour soulager sa compagne de son poids, et se laisse retomber tout à côté, là, sur ce matelas qu’un drap de satin recouvre.
Je n’ai pas le temps d’en voir la couleur, je suis absorbée en un geste rapide et disparais dans les méandres de l’oubli sans même avoir vraiment existée aux yeux de cet homme. Mais moi, je sais de quelle essence je fus né, et cela me ravit, de penser que je puisse découler d’un tel bonheur, d’une telle fougue passionnelle plutôt que de sustenter un liquide lacrymal issu d’un malheur difficilement consolable ou d’une frayeur martelant à jamais les esprits. J’aime à croire que je suis conçue comme les éphémères, n’ayant aucun besoin de me nourrir et étant promise à l’amour pour toujours.
© Tous droits réservés Didier Leuenberger. Respectez le travail de l’auteur. Respectez la créativité.
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