T O U S D E S A N G E S

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Extrait de ma parution "Les anges peuvent attendre, le diable est bien trop séduisant"

Extrait de ma parution "Les anges peuvent attendre, le diable est bien trop séduisant"

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Rose est portée manquante depuis deux jours. Sans donner le moindre signe de vie. Je décidai donc, en début daprès-midi, de faire quelque chose et de prendre le taureau par les cornes.

Je confiai la suite des opérations aux hommes, la jeune serveuse étant là pour les aider, et mengouffrai dans la vieille ferraille de Jef, démarrant comme une folle.

Ils ne me demandèrent aucune explication. Avantage de vivre dans un pays individualiste ou simple échange de bons procédés, de peur que je ne les questionne sur les escapades de Will et ses airs étranges, lorsquil revient à chaque fois de je ne sais où ? De plus en plus étrange, il faut bien lavouer.

Jécrasai un serpent en roulant, me dis que ça aurait fait un bon ragoût, contemplai son cadavre dans le rétroviseur un long moment, presque avec regret, jusquà ce que mes yeux de grand-mère narrivent plus à le distinguer, puis me concentrai sur ce que jallais dire et faire en arrivant chez Rose.

Je freinai sec, et un petit dérapage incontrôlé fit glisser la voiture sur le côté. Je coupai le contact et sortis du véhicule sans la moindre appréhension. Je fis les quelques pas menant à la porte sans hésiter, frappai dun geste franc et attendis sagement en faisant glisser mes souliers dans la poussière, tout en les observant comme si cétait la première fois que jen prenais réellement conscience.

Il me fallut attendre quelques minutes et frapper deux fois encore, pour entendre remuer quelquun de lautre côté de la paroi. Des pas légers vinrent jusquà lentrée de la maison. La porte trembla lorsquelle souvrit, tant le mouvement fut violent. « Quest-ce que cest ? » hurla une voix masculine. Mon regard séleva dans les airs, ce devait être un géant. Un géant noir, qui plus est ? Les grands Noirs sont bien plus impressionnants que les grands Blancs. Je ne sais pourquoi.

Je crus métouffer en voyant apparaître un poids plume, à peine plus grand que moi, et un cul blanc, qui plus est.

Jen restai baba. « Heu... excusez-moi, mais... est- ce que je pourrais parler à Rose, je suis Violet, de...

Je sais qui tu es !
Ah !
Si tarrives à lui faire lever son gros cul, vas-y, te

gêne pas, surtout ! Mais jai des doutes, tu vois ! – Je... je peux entrer ?
Hein-hein !
– Bon... je... peux au moins lui parler ?

Non ! hurla-t-il, en me lançant un regard méchant.

Rose, est-ce que tes là ? tentai-je de crier à travers le bois, sans quaucune réaction ne soit perceptible de lautre côté. Écoute, je...

Te fatigue pas ! Elle nous refait son grand numéro, cette vache ! Demain, jte lexpédie et elle a intérêt à remuer sa graisse », finit-il en se penchant vers lintérieur et en hurlant pour quelle lentende.

Je reçus la porte en pleine figure, sans aucune explication, mais y en avait-il une à donner ? Cétait très clair, vu létat de ce connard sentant la godaille à plein nez et se grattant les fesses à tout bout de champ. Même pas bien élevé. Et certainement encore moins bien nourri, vu lhumeur.

Et moi qui mattendais à me heurter à un grand Black. Je mimaginais même, fusil en main, lui foutre la trouille de sa vie pour quil la laisse tranquille. Mais je te rassure, Karl, je nai eu cette pensée quune seconde. Une fraction de seconde. Quelle ne fut pas ma surprise me retrouvant face à ce petit roquet !

Tu vois ce que ça donne de rester toute une vie avec un con fini, fils : une meurtrière en puissance. Voilà ce quest devenue ta vieille mère à force de sêtre laissé mener par le bout du nez.

Mon Dieu, comme je regrette tous ces moments que nous tavons infligés malgré moi, mais à cause de nous. Oui, nous, Karl.

Je tentends dici. Et tu as raison de le souligner. Je fus même sans doute la plus grande responsable de tout ça. Il ne dépendait que de moi d’être heureuse, mais est-ce bien cela que je voulais ? Pas si sûr, à cette époque. Je sollicitais la violence, comme ancrée dans mes chairs, gravée dans la peau, ou plutôt je quémandais mon statut de victime à coups de poings. Si cest pas minable...

Je sais tout ça, Karl. Jen étais même consciente, mais je ne pouvais rien faire, comme enfermée derrière une vitre, dissimulée par un voile de culpabilité dont je ne pouvais me défaire.

Lorsque tu mas légué ta maison magnifique et souhaitas que jy vive seule, heureuse, jy ai cru au début. Jai été portée par un élan de folie. Jai failli y aller, failli my installer. Seulement, voilà... On ne soigne pas toujours le mal par le bien. Il arrive quil faille utiliser des méthodes bien plus radicales. Il se peut quon en arrive à devoir faire le mal aussi bien, sinon mieux que celui qui nous en a fait, afin de le contrer.

Ton père ne supportait pas de voir les gens heureux. Ou plutôt devrais-je dire ses proches, même si ce mot est un vain mot en la circonstance : sa famille, si je peux utiliser ce terme pour le moins douteux en ce qui nous concerne, mais famille tout de même, du moins en apparence et aux yeux des autres.

Je ne sais ce qui poussa monsieur ton père à tant mépriser cette félicité. Sans doute nétait-il point capable de la ressentir au fond de lui, et nous en voulait-il den être imprégnés. Et je ne te parle pas de grand bonheur. Non. Je pense à de toutes petites joies, comme apprécier la douceur dun gâteau ou priser les bienfaits dune mélodie. Il naimait pas la musique, Karl, tu ten rappelles ? Il venait, chaque fois que tu écoutais un disque, éteindre ta stéréo ou rayer ton vinyle, si ce nétait le briser de rage. Quel fumier, tout de même ! Quel pauvre type, en fin de compte...

Si on prend conscience de cet handicap, car cen est un et pas des moindres, ça en deviendrait presque compréhensible quil en ait voulu pareillement au monde entier.

Mais est-ce possible de naître ainsi ? Même le diable apprécie bien des choses, pourquoi donc ce petit homme ne le pouvait-il pas au sein de ce grand, de cet immense univers? Je ne le comprendrai jamais, Karl.

Quelle bécasse je faisais, tout de même ! Mais surtout, quel dommage que la femme que je suis aujourdhui ne puisse remplacer celle que jétais hier ! Peut-être serais-tu encore de ce monde, fils. Peut-être...

Une mère a tous les pouvoirs, à commencer par celui daimer ou de désaimer, et ce nest pas rien. Peu de femmes en sont conscientes, mais nombre dentre elles lutilisent en parfait accord avec leur rôle de mère.

Jai eu ce pouvoir, comme toutes les mères, et je men suis servie comme la plupart dentre elles, sauf que pour moi, la facture est lourde à payer, et je me comprends, Karl. Oui, je me comprends...

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Les Anges peuvent attendre, le diable est bien trop séduisant



09/05/2014
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