T O U S D E S A N G E S

T O U S         D E S          A N G E S

Brighton

Brighton

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Voilà, c’est ici que tout commença vraiment. C’est ici que je suis né. A Brighton. Dans cette station balnéaire du Sud Est de l’Angleterre.

 

J’ai dix-huit ans lorsque je débarque dans cette bourgade, déjà à cette époque surannée mais toujours sollicitée. Le bord de mer lorsque le temps le permet est très agréable, la ville pas trop grande mais d’une importance me faisant me sentir un peu perdu durant quelques jours histoire de s’adapter.

 

J’ai dix-huit ans, toutes mes dents, pas sûr de moi, pas certain de beaucoup de choses sauf d’une seule chose : je m’aime plutôt bien. C’est déjà ça. C’est déjà même beaucoup à cet âge et au vu de ce que j’amène dans mes valises. Des paquets d’incertitudes, des questionnements en pagaille, un passé mouvementé que je compte bien laisser ici.

Dans ce fatras d’émotion, il est difficile d’y trouver ses repères, d’être serein et pourtant d’un jour à l’autre, je me laisse guider par un instinct déjà bien aiguisé. Bien plus que je l’aurais imaginé.

 

Des sacs de doutes, de méfiance et de patience. Ça, il m’en fallut de la persévérance, je m’en rends compte une fois livré à moi-même. Une fois libre. Libre dans mes faits et gestes. Libre dans ma tête. Libre.

 

 

Oui, des bagages pour un seul passé que je vais déposer dans ce bled d’un autre pays que le mien. Après tout, si je n’y retourne que vingt-huit ans plus tard peut-être est-ce parce que je les ai effectivement déposés quelque part, ces orignaux, ces démons, à moins que tout simplement j’ais été assez malin pour les éviter… Non, cela ne se peut. Pas avec mon caractère, pas avec ma tête de mule. Je suis jeune, mais je suis un bagarreur. Les coups ne me font pas peur. La violence est une « amie » proche, je l’ai côtoyée malgré moi et toute l’horreur que cela implique. Oui, je la connais bien cette démente, cette hystérique, cette destructrice. Elle accompagna chaque souffle de mon existence. Chaque  inspiration, dans chacune de mes décisions, de mes découvertes et chacun de mes actes, son ombre était perceptible. A tout instant le brasier pouvait me consumer. M’annihiler.

 

J’ai dix-huit ans mais je réalise déjà cela. Je réalise combien j’ai dû lutter pour m’affranchir de toutes ces années où finalement, j’étais spectateur plus qu’acteur. Un prisonnier serait plus adapté.

 

J’arrive dans cet endroit les bras chargés d’espoir. J’ai faim, faim de vie et d’aventure. Je veux découvrir le monde, vivre. Vivre ma vie, ne viser que le plaisir et l’expérimentation pour espérer le bonheur et la perspective d’être heureux, même si ce mot me semble encore bien abstrait. Sans qu’on me le casse, sans qu’on anéantisse toute perspective d’apprivoiser ce dessein. Sans chantage, sans manipulation, sans même le plus petit conseil directif. Je suis moi. Moi en entier. Ce moi dont j’ai tant manqué, que j’ai laissé pousser à l’envers, comme une endive ; comme si j’avais peur de la lumière. Peur des éclats de la vie ; qu’elle ne me brûle, qu’elle ne m’irradie et ne me fasse griller comme un vampire resté devant sa crypte en ayant oublié la clé de son cercueil.

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Oui, je suis moi. Un moi tout neuf. Un moi que je peux dire et envisager tourné vers le bonheur, même s’il faut apprivoiser ce dernier ce qui n’est pas chose aisée pour moi. C’est qu’il est farouche, pas facile à apprivoiser lorsqu’on n’a connu que son contraire. Alors que ça paraît si simple, cela devient le casse-tête chinois le plus compliqué à gérer. C’est que dans ce mot merveilleux, dans ce mot épousant tant de bonté et de bravoure, d’étonnant et d’extraordinaire, il y a toute la difficulté pour l’être que je suis, d’en épouser ses accords sans faire de fausses notes. Je me crois prêt à l’accueillir en pensant que c’est inné, mais je me rends très vite compte que ce n’est pas si simple. C’est un peu comme dire la vérité. Ça peut faire mal, c’est souvent rêche et brutal, capable de faire imploser les préceptes les plus ancrés en nous. De noyer les plus farouches certitudes. Notre navire peut sombrer sous l’impulsion de  tant d’authenticité et il faut être prêt à l’entendre, à la recevoir sans craindre les coups.

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Le BONHEUR, un mot magique que j’imagine comme l’on peut rêver d’une terre promise à conquérir. Un bouquet de pétales de roses. Aussi doux, aussi agréable à regarder et à toucher. Un bouquet de fragrances agréable et capable de panser les plaies les plus profondes. Un mot intriguant et mystique, incroyablement attirant brillant dans la nuit comme un joyau, comme un diamant. Magnifiant toutes ces vies que je peux croiser désormais en m’imaginant partager si ce n’est le bonheur, au moins un instant de félicité avec quelques une d’entre elles.

 

Dix-huit ans, morcelé de toutes parts mais affamé de vie. Faim, faim de tout et de rien, d’instants bavards comme de silences, de découvertes et d’introspection. Je veux vivre, je veux du merveilleux. Je veux pouvoir admirer le ciel sans une main qui appuie sur mon épaule pour me montrer les nuages au loin. Je veux baigner dans le bleu du ciel jusqu’à en être saoul, jusqu’à sentir le sol se dérober sous mes pieds. Je veux m’imprégner de chaque éclat, de chaque étoile, de chaque émotion, même si cela m’est douloureux au début. Même si cela me brûle de l’intérieur. J’en ai vu d’autre, j’ai vu la mort en face, j’ai vu la maladie, bien des souffrances, je devrais arriver à dompter ces petits bonheurs qui comme des feux follets, m’explosent en pleine figure sans que je ne puisse toujours les croquer, sans trop en pâtir. Tous ces petits riens. Je m’adapterai. Je suis un battant. Un survivant, le dernier rêve fait à la maison fut le poster du Golden Gate de ma chambre en proie aux flammes avant de m’irradier. Comme pour m’inciter à fuir, avant qu’il ne soit trop tard. Avant que je ne sois plus qu’un tas de cendres. Mon « Guernica » à moi. Ma tragédie mais je ne m’arrête pas sur cet épisode angoissant de mon histoire. On a tous un épisode ou il nous a manqué du souffle pour respirer. Ou l’on a bien cru y laisser des plumes, et malgré tout on en a rechapé, on a réussit à s’envoler et s’éloigner du brasier.

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Voilà pourquoi peut-être, il m’a fallut autant de temps pour retourner dans cette partie du monde, et c’est le cœur serré que je pose les pieds dans cette ville, des frissons d’émotion parcourant tous mes sens et mettant en émoi.

 

Vingt-huit ans, tout un pan d’existence et tant de découvertes depuis. De rencontres et de pays visités… De moments heureux partagés, car oui, je l’ai trouvé ce bonheur, cet étrange bien-être abstrait et indescriptible.

 

 

J’ai zyeuté tout autour de moi, derrière les cailloux le long de la plage, derrière les moindres recoins de la ville, mais aucun démon ne me sauta au visage, sans doute emporté par la houle et le temps qui passe. Le vent faisant faire des pirouettes aux goélands que je ne me lasse pas d’admirer et me démontrant que l’avenir, que la vie est devant, pas derrière ; pas dans le passé ni aucun autre reliquat d’antan. C’est un peu comme si tous les moments de notre existence était dans une boîte de chocolat, certains seront amer, d’autre incroyablement doucereux ; à nous de choisir les bons pour se remémorer ce qui nous importe le plus pour aller de l’avant.

 

 

Voir devant, ne pas se retourner. Foncer, foncer dans cet infini bleu pour s’y perdre et se laisser surprendre par de l’insolite. Sentir son esprit d’ouverture se dilater au rythme des expériences. Sa tolérance, faisant reculer des certitudes que l’on pensait indétrônables.

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Brighton,  comme il est bon de te revoir, toi qui m’a permis de naître. Comme il est bon de te sentir encore aussi trépidante qu’à mes dix-huit ans, d’admirer le coucher de soleil faisant étinceler ton si célèbre Pier s’avançant dans la mer comme un navire. Même si tu n’es pas exceptionnelle aux yeux de certains, tu le restes et le resteras à jamais pour moi, car un endroit ne se mesure pas tant par ses attractions ni même ses monuments extraordinaires, mais bien plus par l’émotion qu’il procure à un moment donné de notre existence.  Le tout est d’en mesurer l’impact et les retombées. De suivre ou non le goéland qui s’envole contre vents et marées. Je crois l’avoir suivi il y a de cela vingt-huit ans maintenant, peut-être est-ce pour cela que je me sens si bien ici, et cette étrange et fort agréable impression de revenir en un endroit ou je m’y sens bien.

 

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23/02/2017
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