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Obsolescence, maladie incurable

Obsolescence, maladie incurable

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Chers tous, je vous écris ces mots pour vous dire mon désarroi et combien je suis triste après cette nouvelle assimilée par mes circuits. Je viens de découvrir qu’au prochain système d’exploitation c’en sera presque fini pour moi.

 

Pourtant, que n’ai-je pas partagé avec mon hôte ? Que n’avons-nous pas fait comme projets ensemble ? Comme de vieux frères, il me semble le connaître mieux que lui-même et lui apporter un soutien lorsqu’il en éprouve le besoin. Il m’appelle affectueusement Macsou, c’est dire d’où je viens. Pas besoin de vous faire un dessin, mais après passer huit années de collaboration fructueuse et de pépites ayant réjouis bien des gens, il devra se débarrasser de moi comme un vulgaire déchet, car je me verrai atteint d’une maladie incurable : l’obsolescence. Ce nouveau mal des temps modernes.

 

Un virus récurant dans notre société et dont nous les ordinateurs, souffrons les premiers. Une gangrène implantée dans nos circuits et dont nous ne pourrons malheureusement pas nous défaire. Le début de la fin. La fin des haricots. Le bout du bout. La chronique d’une mort annoncée ou, disons plutôt, programmée. Un aller simple pour rejoindre la planète gaspillage.

 

Inutile de vous dire que mon hôte n’est pas bien à l’idée de se séparer de moi. Il faut dire qu’un lien s’était créé mine de rien. Une attache non négligeable, car qui mieux que moi, peut se vanter le connaître si bien. Ses secrets les plus enfouis ont toujours été bien gardés avec moi. Un rituel s’est imposé à nous toutes ces années : son café noir le matin que j’ai toujours craint qu’il ne soit renversé sur mes fusibles, ses yeux collés, avant que je ne m’enlumine et le réveille enfin, son boxer trop grand et sa manière si touchante de s’adresser à moi avant même d’avoir posé le plus petit doigt sur l’une des touches de mon clavier.

Depuis que je lui ai signalé la nouvelle, il est plus réservé, il remue ciel et terre pour me sauver, en vain. Le système me tuera comme il tue tant de gens aujourd’hui. Il est un bulldozer broyant tout sur son passage, et l’humain n’est pas épargné, bien au contraire.

Il a appelé les spécialistes les plus renommés, a tenté des groupes de soutien face à cette injustice, et bien que beaucoup soient d’accord avec lui, il leur est impossible d’aller contre cette machine à gaspillage. Inutile de dire combien il se sent impuissant et bête, face à tant de non-sens. Un complot pour les plus pessimistes, un business pour les plus réalistes, mais tous, étant d’accord pour reconnaitre que dans tous les cas, tout le monde se fait entuber.

 

Je m’étais habitué à mon hôte et il s’était habitué à moi. Il me connaissait presque comme l’on peut connaître son animal de compagnie.  Avec ses humeurs et ses caprices, de temps à autre.

Il a beau se démener pour me sauver, remuer ciel et terre et multiplier les actions quant à ce fléau, il sait pertinemment que ma vie ne tient plus qu’à une mise à jour, car mine de rien, j’en ai encore sous le capot. Je ne suis plus reluisant comme les petits derniers noyant le marché, mais j’ai encore assez de coffre pour m’acquitter de mes tâches et pourrais le faire encore pendant quelques années sans que je crache mes boulons et mes puces.

 

Au lieu de ça, l’obsolescence qui me frappe de plein fouet est en train de marquer son sillage et à ce qui ressemble fort, à une mort avérée. Comme une maladie, ma vélocité diminuera, mes réflexes seront moins rapides et les mises à jour auront un jour raison de moi, et me laissant dans un black-out d’aucun nom simulé par mon écran que je ne pourrai plus allumer. Mais derrière cet écran noir il y a encore quelqu’un, prêt à s’investir et s’atteler à la tâche. Je serai comme noyé sous un pan de glace. Je verrai mon hôte sans pouvoir le contacter ou même le distinguer clairement, tant le brouillard qui m’affectera sera puissant et efficace, pour ce qui est de m’enfumer de fausses informations.

 

J’assiste déjà aux prémices de cette fin que d’aucuns disent être scandaleux et absurdes. Mais que puis-je faire sinon me désoler pour tous les autres qui finiront comme moi à la casse avant même d’avoir rendu l’âme.

 

Alors que les matières premières se raréfient et que le gaspillage est légion, ils nous programment en âme et conscience pour un cycle de vie en sachant pertinemment que nous pourrions durer tellement plus longtemps.

 

Je vous laisse à cette réflexion mes circuits n’étant pas faits pour ce genre d’action, mais si je puis me permettre et avant que vous n’éteigniez mon collègue après avoir lu ce message, demandez-vous jusqu’à quand vous accepterez d’entrer dans le jeu de multinationales s’en mettant toujours plus dans les poches en vous appâtant avec toutes sortes de produits étincelants. Jusqu’où laisserez-vous cette folie vous menez, car si je ne suis qu’un ordinateur parmi d’autres et n’ai cette singularité que tout être humain se veut être doté, je puis la distinguer. Si je peux le faire, vous devriez pouvoir en faire autant.

 

Pourquoi effacer l’essence même de ce qui fait de vous de si beaux êtres vivants, et j’insiste sur ce dernier mot, en devenant ces zombies acheteurs compulsifs, insipides et lisses, tandis que votre richesse infinie se meurt ?



18/03/2019
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