T O U S D E S A N G E S

T O U S         D E S          A N G E S

Le Voyage Improbable d’Édouard Leboeuf - Partie 1 Préambule - Peur

d45a99b1-72a9-4298-b170-c547779924a9-2.jpg

 

Cet été, vous avez l'occasion de lire dans son intégralité un livre plutôt cocasse et riche en rebondissements. Laissez-vous emporter par ce tourbillon et le parcours presque initiatique d’Édouard frôlant toujours avec la folie ou ce qu'on croit être de la folie. Suivez cette échappée belle en souriant, tout en vous interrogeant sur les questionnements de la vie et les vraies raisons qui font de nous des vivants...

Le Voyage Improbable d’Édouard Leboeuf

 

 

           roman

 

 

 

didier   leuenberger

Préambule

 

 

 

Règlement de comptes à Nasrabad-la-fournaise

 

 

Des coups de feu ont retenti. La porte a été soufflée sous la déflagration des tirs, le chef ensanglanté a plongé dans ma cellule pour se fracasser le crâne contre la molasse du mur. Tirant dans tous les sens, il gueulait comme un cinglé avant même que les barbus n’arrivent au galop, armés jusqu’aux dents. Le boss a roulé jusqu’à mes pieds comme un boulet, a mitraillé à tout va lorsque les deux terroristes sont entrés l’un derrière l’autre, progressant en tirailleur. Et l’un après l’autre, ils sont tombés sur mon corps bien maigrichon comparé à ces deux masses de muscles. Je tremblais comme une feuille. J’étais tétanisé. Un courant froid m’a transpercé, l’odeur d’hémoglobine m’insupportant et me donnant la nausée. Le boss s’est relevé en claudiquant, sa cuisse pissait le sang. Il m’a extrait des corps de ces deux fous en me soulevant comme un pantin de chiffon, s’est assis sur l’un d’eux en crachant sur leur visage et en leur assénant quelques noms d’oiseaux bien mérités je suppose. Son regard cherchait du réconfort, de l’espoir. Il s’est tourné vers le seul con de la pièce. Je n’ai pas su quoi faire avant qu’il ne gueule je ne sais quoi dans son putain de jargon. Je pensais qu’il n’y avait que les niaks usant pareillement les décibels, mais c’était avant de connaître les Kazakhs, et plus particulièrement Moustafa.

—   Help me, Leboeuf ? m’a-t-il demandé, le regard hagard et sa main compressant sa blessure qui saignait à gros bouillon.

—   Comment ? je ne suis pas docteur ?

—   Débrouille-toi ! tenta-t-il de m’ordonner avant de sombrer sur les deux gros.

Je lui ai fait un garrot comme j’ai vu le faire des dizaines de fois dans ces conneries de séries télé, mais je l’ai un peu trop serré je crois. En tous les cas il ne s’est jamais réveillé. Mort de chez mort, et moi perdu au milieu de cet amas de corps. Quelqu’un rentré à l’improviste dans la pièce aurait pu croire que je les avais tous massacrés, au vu du sang maculant mes mains et mes vêtements. J’ai vomi les reliefs du dernier repas en guise de rébellion. J’étais paumé. Désemparé. Un peu comme une de ces éléphantes consternée et impuissante devant son petit égorgé par des hyènes et perdant complètement le Nord. J’étais totalement déboussolé. Déboussolé et assoiffé. Je savais que si je devais crever ce ne serait pas d’une balle perdue mais de soif.

J’ai fait un trois cent soixante degrés autour de moi, pour constater l’œuvre de ces fanatiques. Voilà ce qui arrive lorsqu’on donne des jouets à des bambins qui devraient être enfermés. Un carnage.

Peur

 

Ce que je veux, c’est le bonheur de mes enfants. Tant qu’ils ne savent rien, ils ne souffrent pas de cette situation. Je ne voudrais pas qu’ils me voient dans cet état. Il faut dire qu’elle y met le paquet pour ce qui est de la déchéance de la bête. J’ai l’impression que mes dents vont tomber certains jours. Avec moi, Cronenberg aurait pu tourner La Mouche sans maquillage ni effets spéciaux. J’ai des éruptions cutanées comme jamais, des coups de fatigue me faisant m’endormir n’importe où. Cette chierie semble éprouver un malin plaisir à me marquer physiquement ; tantôt un orgelet me fermant l’œil, une escarre m’empêchant de m’asseoir, une démangeaison soudaine me faisant me gratter jusqu’au sang, des vomissements me mettant terriblement mal à l’aise.

On m’a dit que ça aurait pu être pire et que je supportais plutôt bien les rayons. Tu parles, Charles. Je suis en train de me vider les boyaux. Un zombie ne saurait par quel bout commencer tant j’ai l’impression de me déglinguer.

 

Tu m’as tué. Je m’avoue vaincu. Vivement que cette faucheuse vienne me chercher, qu’on en finisse.

 

J’ai peur !

 

On doit me faire des examens approfondis et une batterie d’analyses. J’ai été admis à l’hôpital il y a une semaine jour pour jour et je ne sais pas si j’en sortirai un jour. J’en ai connu de ces vieux lascars pétant la forme et entrant à l’hosto pour un simple examen pour y ressortir les pieds devant dans un costume 4 pièces en sapin. Je sais ce qui m’attend. Je la ressens en moi. Je suis épuisé, je me sens partir, j’ai les yeux qui se ferment tout seuls ; ces deux curieux en ont vu assez, ils ont rendu les armes semble-t-il avant que mon cœur ne lâche.



07/07/2017
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 106 autres membres