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La Fêlure (Croire)

La Fêlure

                         (Croire)

 

 

 

 

peinture: de Michel Gilliberti http://www.michelgiliberti.com/

 

 

 

              Je veux croire à la tendresse. Je suis affectueux, cajoleur, mais cela plaît les premiers jours, puis ne semble plus convenir, comme s’il y avait erreur sur la personne. Comme si ce n’était pas l’image qui émanait de moi. Je m’obstine, veux croire à quelques histoires possibles, mais rien n’arrive vraiment. Si j’ai une telle lumière en moi, pourquoi donc ai-je tant de peine à vivre, ne serait-ce que quelques semaines, avec quelqu’un ? Mais le plus souvent c’est deux jours à peine, ou quatre lorsque ça ne va pas trop mal. Je commence à m’inquiéter. Ça ne peut être chaque fois la faute des autres. C’est sans doute moi.

 

Alors, je sors toujours plus, je fais d’autres rencontres, je veux y croire. Je me dis qu’avec le nombre, je tomberai forcément sur le bon numéro un jour. Je veux me donner une chance tout en sachant que quand je serai en face de l’amour, je le saurai, comme je l’ai su la première fois.

 

Comme s’ils voulaient se punir, ils attendent que je les malmène. Que je les malmène sans vergogne. Ils m’en sentent capable, ça se ressent, ça se lit dans leurs yeux, et cela me fait peur. Effroyablement peur.

Mais qu’y a-t-il en moi qui leur donne cette certitude. Qu’y a-t-il que je ne vois pas ? La fêlure qui me hante, est-elle à ce point visible, ou m’a-t-elle si bien construit qu’elle s’est imposée tout naturellement en mes traits, mes gestes. Ma façon d’être et de parler.

 

Je suis troublé. Mais surtout déçu. Rien ne va vraiment comme je l’aimerais et bien que le genre humain me fascine, je commence à m’abîmer. Je le sens. Tous mes sens me le font entendre et je n’arrive à renverser la vapeur.

 

Je croyais pourtant m’être compris. Je pensais avoir permis d’entrevoir à mes sens, l’espoir de mieux tolérer l’amour, mais en ouvrant ces portes, je n’ai pas seulement permis une sensibilité, non, j’ai aussi dévoilé les entailles les plus profondes enfouies en moi. Ça, je n’ai pu les dissimuler et le gérer. Personne ne le peut.

 

J’ai cru remodeler l’homme que j’étais en effaçant comme l’on peut effacer d’une gomme un mot griffonné sur une feuille de papier, mais il n’en est rien. Je m’en rends compte en buvant mon thé et en mangeant des croissants aux côtés de ces aventures de passage.

 

Je réalise surtout que je ne maîtrise toujours pas mieux les sentiments, et cela m’inquiète de plus en plus. Terriblement.

Pourtant, il me semble que la rage coulant dans mes veines est plutôt bien canalisée. J’ai réussi à la transformer en une force incroyable, même si je sens toujours de la violence en moi. La même que celle ayant bercé mon enfance. Celle capable du pire, même si je ne compte pas en faire usage un jour. Elle me taraude, me titille à bien des reprises. Me cherche. Me provoque. Elle ne demande qu’à revenir au galop. Il serait tellement plus facile de céder. Tellement plus commode de léguer ce que semblent rechercher tant de gens, et j’en suis le premier surpris. Déçu, surtout.

 

Qu’ont-elles ces âmes en peine ? Quelle vie ont-elles eue pour espérer pareillement et attendre la fessée ? Pourquoi tous ces malades de la volée ? Quelle est cette gangrène qui nécrose notre monde ?

 

Mais serais-je capable de l’embrasser si facilement cette violence ? Pas si sûr. Même si je l’éprouve encore sous la peau. Même si j’en ressens encore sa présence, je crois foncièrement, j’espère en tout cas, ne pas être un hôte potentiel. J’espère ne jamais devoir la libérer un jour.

 

Je l’ai ignorée comme l’on ignore son ennemi le plus à même de nous terrasser, mais je ne suis pas dupe. Je crois surtout avoir souffert bien plus que ce que j’ai toujours voulu dire et surtout penser. Car je ne me dévoile que difficilement. Tous ces silences ravalés, tous ces espoirs abandonnés, ces rêves bafoués, mais heureusement jamais tués.

 

Toute cette misère accumulée, car c’est bien de misère dont je parle. Et puis cet espoir fou, celui de sortir ma mère de cette emprise sans que jamais rien ne bouge. Celui-là est le plus intolérable à mes sens. Le plus crucial. Celui dont ma vie semble dépendre. Mon équilibre, comme si tant que je ne n’aurais libéré cet ange, rien ne pourra jamais vraiment aller comme je l’entends et le souhaite.



14/12/2011
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