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Cat COVID-19 ou lorsqu'un chat confiné se raconte Jour 1

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Jour 1

 

Maty m’a regardé droit dans les yeux ce matin, raide comme un piquet il m’a considéré de toute sa longueur (il fait quand même plus d’un mètre quatre-vingt-huit…ne me demandez pas le nombre de pattes que ça fait…) et ma dit :

 

— Boris, à partir d’aujourd’hui c’est le confinement ! Je crois qu’une grosse merde est en train de nous tomber sur la gueule et ça risque fort de chambouler tout le monde, y compris ton petit confort, monsieur le pacha.

 

Je l’ai regardé avec de grands yeux sans bien comprendre ce que veut dire le mot « confinement », d’autant que pour ma part, je suis assigné à résidence depuis belle lurette, depuis le début de notre rencontre et même avant, avec cet humain.

Mais demain devait être un jour extraordinaire pour moi, mon premier jour de sortie dehors. Le grand air, enfin mérité depuis le temps que je vois mes copains tournoyer autour de notre immeuble et me narguer à travers la vitre. Il m’a fallu un moment d’ailleurs pou comprendre qu’ils ne pouvaient pas rentrer. Encore bien plus longtemps pour capter que je ne pouvais pas sortir et je ne vous explique pas les bosses sur le crâne, en sautant contre cette étrange matière transparente. Ce fut même, mon seul goal pendant des mois et des mois : vaincre ce mur invisible me coupant de ma liberté.

Mathias me l’a promis depuis que je suis entré dans sa vie, il y a six mois de cela.

 

— Boris, tu verras comme c’est cool dehors. Tu vas adorer, mais de grâce, ne me ramène pas de souris dedans et encore moins d’oiseau.

 

Je crains que mon baptême de liberté ne soit reporté, vu la panique que j’ai pu lire dans ses yeux. Ça s’est confirmé lorsque je l’ai vu revenir avec trois sacs de croquettes pour chat. Là j’ai compris que j’allais devoir partager mon espace un peu plus longtemps avec ce Gulu. Pourtant que n’a-t-il pas fait pour célébrer ce jour. Pour s’y préparer. Il a quand même monté un assemblage de poutres et échelles menant à la fenêtre de sa chambre, que pour ma petite personne. Et même si ça lui a valu quelques échauffourées avec certains voisins, notamment celui du dessus.

 

Pourtant d’après ce que j’ai compris, ce virus n’atteint que les humains, je ne vois pas pourquoi il recule le lancement de ma mise en orbite dans le monde réel. Moi, je suis fin prêt…attention, les minets, je vais atterrir dans vos pattes avec l’assurance d’un chat raisonnable et raisonné. Mais ne croyez pas pour autant que je vous ferai de cadeaux. À la guerre comme à la guerre !

 

J’ai bien tenté miauler « Mais Mathias, je ne suis pas un humain, il me semble qu’au JT ils n’ont parlé que des humains », il n’a rien voulu savoir. J’ai peur qu’il ne fasse une fixette sur notre relation. par moments, je crains même qu’il ne fasse un transfert. Depuis que son Gulu est parti de cet appart minuscule, il n’est plus le même, mais maintenant qu’il va rester toute la journée avec mon humble et magnifique personne, je crains que cela ne s’aggrave. Ça s’est déjà vu.

 

Donc je me le coltine toute la journée, pour ce premier jour confiné, ce qui n’arrange pas mes affaires. J’étais bien jusque-là, tranquillos et sans trop de bruit. Mais en l’espace d’un jour, l’appart m’a semblé être sous le coup d’un tremblement de terre ou d’un ouragan et même si je n’en ai jamais vu. Tout tremble depuis ce matin, et je ne parle pas que de la cuisine. L’aspirateur est sorti de sa cage à deux reprises en une matinée, ce qui démontre tout de même une certaine psychose, j’en ai bien peur. J’ai horreur de cet animal sur roues, j’ai même déjà tenté de l’attraper par le collet pour lui faire sa fête, mais je me suis cassé les dents ! Juste sa trompe que j’ai pu salement endommager. Ah ! Là, il faisait moins le malin, l’Aspiraton de malheur. Et même si je me suis fait remonter les bretelles, je lui ai fait sa fête et ai gagné cette bataille, ce qui n’est pas rien dans la vie d’un chat interné, pardon, assigné à demeure. Enfin, maintenant je dois dire confiné. Ça va être compliqué cette histoire, moi qui m’étais préparé à bondir dans les fourrés, grimper aux arbres, attraper ces satanés piafs en plein vol et régler leur compte aux souris alentour, mais me faut donc prendre mon mal en patience. Et la patience n’est pas vraiment notre fort, à nous les chats.

 

 

Bon, ça ne va sûrement pas durer longtemps. Je vais rester zen et continuer d’observer mon Maty, qui semble prendre bien plus mal la chose que moi. Il faut dire que mon maître est comment dire…un peu hyperactif, je ne sais pas si vous voyez bien ce que je veux dire. Où plus exactement, il est comme un petit chat de trois mois en pleine crise de démence, sauf que chez lui ça ne s’arrête jamais. Il ne tombe pas raide, couché dans son panier, non. Monsieur à une pile longue durée semble-t-il, c’est très simple, lorsqu’il jouait avec moi pour m’occuper, je devais souvent le supplier d’arrêter, car il était sans fin. Un transfert, je vous dis. Et ce, depuis que…depuis que l’autre à déménagé au-dessus. Juste au-dessus. Bref ! Un bel imbroglio comme on les aime. Et voilà-t-il pas qu’un Corona 19 débarque sans prévenir… Manquait plus que ça pour que ça aille mieux. Pour que Mathias se sente plus à l’aise. Rester en place, c’est quelque chose qu’il n’a jamais su faire, et a arrangeait plutôt bien mes affaires. Il courait tout le temps et partout. On aurait dit à certains moments une poule à qui on avait coupé la tête. C’est une attitude qui m’a toujours déconcerté chez Maty comme chez les autres humains d’ailleurs, ce besoin d’être sans cesse occupé, d’avoir l’oreille collée au téléphone à tout moment pour raconter au final à l’autre bout du fil, pas grand-chose de très intéressant. Enfin de ce que mes sens en déduisent…

 

 

Quelles choses aussi urgentes ou importantes pouvaient le faire courir de la sorte. Courir pour arriver au travail, courir pour rentrer à la maison, pour faire le ménage, pour aller faire du sport, pour voir ses amis, pour manger comme un chien, et même, pour aller aux toilettes. Je me souviens puisque c’était hier, qu’il ne disait jamais : « Je vais aller aux toilettes », mais « Je vais vite aller aux toilettes, Boris et je reviens ». De un, je me fiche éperdument de quand il va faire ce qu’il a faire dans ce cagibi aux odeurs de désinfectant répugnant pour mon odorat, et de deux, mais qu’est-ce que j’en ai à cirer de quand il revient. Je suis bien, moi, lorsqu’il est assis sur son trône, je suis en mode pause, même s’il m’est arrivé d’aller chercher quelques câlins dans cet endroit.

Bref ! Les journées risquent d’être longues, moi je vous le dis !



05/04/2020
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